dimanche 6 février 2011

Effondrement, Horacio Castellanos Moya.

Ce roman, c’est d’abord le portrait d’une femme, Dona Lena, qui empoisonne à cause de son caractère de cochon la vie de sa fille, de son mari, et plus largement de tout son entourage.

Le livre s’ouvre sur une scène de ménage inoubliable : Dona Lena, l’épouse acariâtre, a décidé d’empêcher son mari, Erasmo, d’être présent au mariage de leur fille, Teti. Elle reproche en effet à celle-ci d’épouser un salvadorien trop vieux pour elle, et peut-être, pire que tout, communiste !. Cette première partie est entièrement dialoguée, sur le modèle d’une pièce de théâtre.

Dans la deuxième partie, qui se déroule quelques années après la première scène, on va suivre sous la forme d’un échange épistolaire, principalement entre la fille et son père, les répercussions de la « guerre du football », guerre qui opposa le Salvador et le Honduras, sur leurs vies de chaque côté de la frontière. En effet, Teti, hondurienne de naissance, est partie vivre avec son mari au Salvador, et elle voit monter avec angoisse la tension entre son pays d’origine et son pays d’adoption, jusqu’au conflit entre les deux pays.

Enfin, dans la dernière partie, sous la forme du témoignage du domestique de Dona Lena, on découvre, à la façon d’un long épilogue, ce que sont devenus les différents personnages trente ans plus tard, au début des années 90.

Ce roman sort des sentiers battus par sa construction. En effet, en à peine 200 pages, l’auteur n’a pas hésité à se faire succéder trois genres littéraires bien distincts. Ce qui sert à lier l’ensemble, c’est bien sûr le personnage principal, archétype du fléau familial Dans la première partie, on aura un contact direct avec cette boule de haine qu’est devenue Dona Lena. On va recevoir en pleine face ses bordées d’injures, sa violence hystérique. Puis c’est avec soulagement que dans les deux autres parties, on évitera son contact direct. Comme si l’auteur, pris de pitié pour son lecteur, avait choisi de l’épargner. S’offre alors à nous une longue période de répit, pendant laquelle l’auteur va achever de ciseler la statue de cette asociale atrabilaire, digne de figurer au panthéon de nos pires cauchemars en littérature.

Cette histoire, c’est la chronique d’une vie gâchée par la méchanceté. Comment une femme, qui possède les conditions matérielles pour vivre très confortablement, se laisse dévorer par le ressentiment. A la fin du roman, le contraste est saisissant entre la joie simple du vieux domestique, ravi de fêter avec sa famille sa part d’héritage, l’humble cabane que lui a laissée Dona Lena, et la fin triste d’une vipère fortunée, morte dans la solitude après qu’elle ait fait le vide autour d’elle. Mais ce roman vaut aussi par la description du contexte social, politique, par la manière caustique dont l’auteur réussit à mêler la grande Histoire à la vie de ses personnages.

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