lundi 18 août 2008

La marche, E. L. Doctorow.



Ce roman nous entraîne dans le sillage du Général Sherman à la conquête de la Géorgie, de la Caroline du Nord et de la Caroline du Sud lors de la dernière année de la guerre civile américaine. C'est l'occasion de découvrir des personnages qui ont chacun des motifs différents de rejoindre la marche du général nordiste.

Pearl, fruit du viol de sa mère esclave par son maître de père, est le personnage central du roman: à travers elle passent toutes les lignes de fracture à l'origine d'une nouvelle identité, celle de l'esclave émancipé. En cela, elle est le point de cristallisation où vont se concentrer les courants d'un puissant mouvement historique et les aspirations d'un individu à une forme de réalisation personnelle.

Autre personnage complexe, celui du médecin militaire, qui a choisi de suivre Sherman pour étudier sous la forme de travaux pratiques à grande échelle la chirurgie. On sent chez lui que l'humanisme et le cynisme sont arrivés à un point d'équilibre fragile: un blessé, sorte de Phineas Gage, est la clef d'une boîte de Pandore dans laquelle se trouvent enfermées les pires horreurs de la médecine expérimentale nazie.

Il y a encore ce déserteur sudiste, grain de sable qui est là pour nous rappeler que l'Histoire est un train lancé à chaque instant devant des aiguillages, qu'elle est le résultat d'histoires individuelles qui auraient pu l'infléchir dans une direction plutôt qu'une autre.


Doctorow donne vie à une comédie humaine en seulement trois cents pages, parvient à donner du souffle à des dizaines de personnages, parfois en une seule description, réussit à atteindre une dimension épique, sans lyrisme facile, sans héroïsme bidon.
Un grand roman.

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