mercredi 20 août 2008

Des livres et des enfants.

"Un certain mépris montant pour les livres, notamment ceux du passé, regardés comme des vieilles lunes, me paraissait en rapport avec l'absence de considération que l'on porte aux enfants. Pourquoi lit-on? Sans doute pour élargir sa vision au-delà de la circonstance, entendre la voix de l'autre, éprouver par le plaisir de la langue sa propre humanité. Ce sont des dispositions que l'on retrouve dans le regard porté sur les enfants. Ils ont aussi fragiles qu'une bibliothèque, aussi riches du temps à venir que les vieux volumes le sont de celui qui fut. A chaque étape de la vie, il nous est loisible de fermer les livres et de blesser nos enfants. Je n'ai jamais jugé les autres à leur ignorance, puisque mon métier était d'enseigner. En revanche, je regardais de plus en plus les enfants comme le livre qu'ils avaient ouvert ou fermé, la bibliothèque de vie qu'il leur avait été donné de construire ou de brûler. Sans doute parce que j'essayais de transmettre l'amour des livres à de jeunes adultes, j'appliquais intérieurement un critère minimal: que fait-on des enfants? On peut considérer ses contemporains, notamment les plus occupés d'eux-mêmes, les glorieux qui cherchent la lumière, ou les moraux qui prétendent la détenir, et regarder au cas par cas, le plus précisément possible, ce qu'il en est de leur progéniture. La preuve par le rayonnement de la descendance, cela existe; aussi vrai que la vérité de certains êtres se manifeste par des enfants détruits."

Les menteurs, Marc Lambron.

Aucun commentaire: