lundi 21 août 2006

Ferdydurke, Witold Gombrowicz


Vous vous réveillez un matin, vous avez la trentaine, avec le sentiment de "ne pas être autonome, seulement fonction d'autrui. [...] Fréquenter les adultes en ayant l'impression, comme à seize ans, qu'on fait seulement semblant d'en être un".
Et voilà que surgit dans votre chambre un pédant aigü, "T. Pimko, docteur ès lettres et professeur, grammairien cultivé de Cracovie", qui vous prenant au mot, décide de vous mener à l'école.
C'est le départ de la promenade d'un petit grain de sable, Jojo Kowalski, dans les rouages de la société polonaise des années trente. On fait la visite d'un lycée, puis d'une maison bourgeoise habitée par une jeune lycéenne moderne et ses parents, et enfin la connaissance d'une famille de nobliaux de province, tout ceci entrecoupé de chapitres qui ne semblent pas avoir de liens avec les pérégrinations du héros.
Tel Attila, le héros pratique la politique de la terre brûlée, dynamitant les conventions sociales, refusant de se faire encuculer (infantiliser), à défaut de réussir à échapper aux faiseurs de gueules.
L'auteur s'essaie avec mestria à tous les genres. La farce, quand il s'agit de décrire la guerre des moutons dans laquelle s'affrontent le troupeau des lycéens idéalistes et celui des matérialistes, culminant dans une bataille de grimaces opposant les deux meneurs.
Ensuite, le pamphlet, quant Gombrowicz dénonce la société des vieilles tantes (les critiques), ou encore, le corps enseignant, tremblant de peur à l'ombre d'un possible inspecteur.
Le récit tient encore du pastiche, quand il s'agit de rapporter le combat à mort entre Philidor, professeur de Synthésologie à l'université de Leyde, et du professeur Momsen, surnommé l'anti-Philidor, détenteur d'une chaire d'Analyse supérieure à l'université de Columbia.
C'est féroce, profond dans la manière cynique de traiter de notre identité sociale, hilarant quand les différents protagonistes cherchent à se séduire ou à fraterniser.
C'est un livre essentiel.

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