lundi 24 juillet 2006

Des corn flakes dans la salade.

Certaines personnes perçoivent les pensées secrétes qui nous habitent, grâce à une perception extrasensorielle exacerbée, une mise en alerte qui leur fait deviner les intentions secrétes derrière les actes les plus communs.

J'en fus témoin et victime pendant un torride déjeuner de famille, un dimanche de juillet.
Emmanuelle est un être merveilleux, auprès de qui il fait bon se trouver, tant émane de son âme une générosité, un dévouement, une attention de tous les instants. Mais comme tous les êtres d'exception, cette divine créature cache un terrible vice qui fait ressortir par contraste la pureté immaculée de ses intentions: elle trie.
C'est un tri trivial, comme nous en sommes tous coutumiers, mais qui m'exaspère au plus haut point: dans une salade composée, elle préfére garnir son assiette des différents éléments de la catégorie crudité légume, au détriment des glucides lents qui composent ces sommets de la gastronomie estivale.
Alors que je me précipitais pour me charger du service, et régaler tous les convives de ce met délicat, lors de ce funeste repas dominical, je vis le visage d'Emmanuelle se figer dans une expression me faisant craindre l'iminence d'un orage, tant les éclairs dont ses yeux se faisaient l'archer tentaient d'accrocher mes rétines afin de les carboniser.
Je ne comprenais pas ce brusque changement de météo, et ce cri primal qui m'assaillit brusquement: "Je me servirai toute seule!".
J'insistais donc, et ce fut le déferlement, la vague de fond qui emporte tout sur son passage en détruisant la digue, et qui se retire en laissant sur la plage les baleines échouées, agonisantes, au milieu de deux sentiments mélés, le soulagement après la fin de la catastrophe, et l'angoisse face au départ vers le grand nul part.

Elle savait dans son for intérieur que je cachais une pensée noire, que mon esprit corrompu guidait cet acte pourtant banal pour un être banal, qui est de faire le service à table. Mais ses antennes, qui l'avaient mise en alerte, ne l'avaient pas renseigné sur le mobile de cette action. Ce qui avait guidé ma volonté de servir tous mes commensaux, c'était la répugnance qui me saisissait quand je voyais les poignets rongés d'exéma d'Isabelle. Je craignais la dissémination de quelque substance impropre à la consommation au milieu de la salade.

J'avais réalisé que j'étais un livre ouvert pour l'amour de ma vie, mais ouvert à la mauvaise page.

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