samedi 5 juin 2010

L'art des séries télé ou comment surpasser les Américains, Vincent Colonna.

Vincent Colonna s’interroge sur les causes qui pourraient expliquer l’évidente supériorité des séries américaines par rapport aux séries françaises. Il démontre, exemples à l’appui, que ce n’est pas tant une disproportion des moyens financiers, comme on l’entend très souvent, qui fournirait l’explication. C’est plutôt une conception différente de ce que doit être une bonne histoire, pour ce média spécifique qu’est la télévision, qui explique la relative médiocrité de la plupart des séries françaises. Pour schématiser, en France, les diffuseurs privilégieraient des recettes qui ont fait leur preuve au cinéma, sans se rendre compte que la série télé est beaucoup plus proche de la série radiophonique, ou encore du roman feuilleton que du film de cinéma.
Pour soutenir sa thèse, Colonna décortique avec minutie les raisons du succès ou de l’échec de certaines séries. Au cœur du débat, la dispute éternelle entre les classiques et les modernes : les Américains, de manière paradoxale, auraient préservé les règles du récit classique, alors qu’elles seraient tombées en désuétude en France, sous l’action des recherches modernes en narratologie. La télévision serait le média resté le plus proche des conditions de création du récit classique. En gros, tournons-nous plutôt vers Aristote que vers Genette pour captiver les téléspectateurs (je caricature le propos, bien sûr).
Colonna ne se contente pas de décalquer les théoriciens de la dramaturgie pour confirmer ses intuitions. Il étaye aussi son propos des résultats de recherches récents dans les sciences cognitives. Et les anciens se révèlent être les plus modernes sur de nombreux points !

Pour autant, aussi brillante que soit son argumentation, il me semble qu’il laisse de côté une des raisons majeures qui font la supériorité des séries américaines : la qualité des acteurs. A-t-on jamais vu en France un acteur de série se révéler, comme Steve McQueen, Johnny Depp ou Georges Clooney ? Et sans citer les noms les plus connus, on est toujours impressionnés par le jeu des acteurs des séries américaines, seconds et troisièmes rôles y compris. J’aurais souhaité lire un développement consacré à la comparaison des méthodes de formation des acteurs, ou sur les méthodes de recrutement.

Cet essai demeure cependant très instructif pour qui s’intéresse aux machines outils des usines à rêves, aux mécanismes qui nourrissent l’intérêt du spectateur. L’auteur réussit à dépasser le cadre des séries télé, et nous invite à un voyage captivant au pays des créateurs d’émotions.

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