jeudi 24 décembre 2009

François Marchand, L'Imposteur.

Un glandeur professionnel, Alglave, se trouve propulsé sans aucune qualification à la direction d’un service du ministère du travail. Son premier objectif est de durer le plus longtemps possible avec un salaire confortable, avant que quelqu’un ne découvre son incompétence. Puis, réalisant qu’il ne risque pas d’être démasqué, la compétence n’étant pas une qualité essentielle pour occuper ses fonctions, Alglave va alors décider de monter toutes sortes de combines pour arrondir ses fins de mois :
« Mon arrivée coïncidait avec l’effervescence des « accords 35 heures ». Je compris très vite qu’il s’agissait d’une mine d’or. La loi allait obliger les entreprises à abaisser le temps de travail hebdomadaire. En contrepartie de cette concession largement fictive puisque compensée par des gains de productivité et une plus grande flexibilité, les entreprises saisissaient l’occasion de baisser les salaires. Pour la première fois de son histoire, le pays connaissait cette situation inouïe : une croissance forte accompagnée d’une baisse des revenus du travail. »

Derrière la satire parfois facile des pratiques technocratiques, l’auteur se livre à un véritable réquisitoire contre certaines escroqueries patronales. On découvre derrière le propos volontairement léger quelques combines ahurissantes, qui ne font jamais la une des journaux : les sociétés de portage qui font rémunérer par les Assedic les périodes creuses de leurs faux salariés, ou des groupes hôteliers qui font croire à des chômeurs qu’ils vont devenir patrons, et les transforment en gérant-mandataire pour des revenus de misère.
On découvre aussi tout un catalogue de pratiques frauduleuses dans l’organisation de certains concours de la fonction publique. Ainsi, par exemple :
« L’organisateur ne publiant pas le concours au Journal officiel, les seules inscriptions émanaient des quelques candidats dans la confidence. J’avais ainsi découvert des citadelles mieux gardées que la réserve d’or de la Banque de France : qui a entendu parler du concours de documentaliste des services du Premier ministre, par exemple ? Ou du concours d’analyste des débats du Sénat (7000 euros par mois juste pour retranscrire les débats parlementaires trois jours par semaine), organisé en catimini tous les deux ou trois ans, à des périodes irrégulières et sans annonce préalable ? »

Tout en dénonçant certaines pratiques scandaleuses dans notre belle république bananière, François Marchand nous fait passer un excellent moment, tant son humour noir est présent à chaque page. Mais il sait également se faire tendre, quand il nous livre par exemple ce joli portrait féminin :
« A aucun moment Anne-Marie n’était menacée par la pédanterie. Elle avait conscience des béances de son savoir, ce qui est la marque d’une femme très cultivée. Sa pensée était une suite de questions destinées à augmenter sa compréhension des choses et des hommes. Ses propos étaient toujours orientés, non vers des sujets qu’elle maîtrisait, mais vers ceux qu’elle connaissait mal. Elle était un vaccin contre la cuistrerie et l’ignorance. »

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