dimanche 20 juin 2010

Le crépuscule d'une idole, Michel Onfray.

« Jésus est né juif, a vécu une vie de juif, puis est mort juif » : quel scandale cette évidence a pu soulever à une époque pas si lointaine. Même maintenant, allez expliquer à certaines grenouilles de bénitier incultes (pléonasme) que SA religion fut inventée, bien après la mort de Yeshoua Ben Yosef dans les environs de Yerushalayim, par un petit groupe de sectateurs paganojuifs à qui la circoncision faisait peur, ou qui voulaient plus prosaïquement continuer à bouffer du porc, et au mieux ils vous regarderont comme un fou, au pire ils voudront vous faire la peau.

Certaines vérités ne peuvent pas être entendues, car elles sapent les fondations sur lesquelles une conception du monde s’est développée. Accepter la réalité d’une évidence reviendrait à entreprendre un tel chantier qu’il est préférable de continuer à vivre avec les sornettes apprises dès avant qu’on était capable de penser, plutôt que de se mettre à rebâtir sa conception du monde sur des bases plus solides.

C’est un peu ce qui se passe actuellement autour de Freud : osez dire qu’il fut un charlatan, et sa psychanalyse une pseudo science, et voilà un petit groupe très influent qui refusera ces vérités, se sentira menacé, et préférera au débat sur le fond l’insulte ou la calomnie. Ainsi, une corporation de gens installés qui savent tout sur tout, un petit clan mené par la Verdurinesko organise le lynchage médiatique d’Onfray dans des tribunes qui leur sont très largement ouvertes (Nouvel Obs, Télérama, Le Point …), en lui reprochant des intentions secrètes : au mieux il serait un sous marin des comportementalistes, au pire un affreux antisémite. Leur argument ?: certains pourris ont combattu la théorie freudienne, donc tous ceux qui combattent la théorie freudienne sont des pourris.

Onfray commence par rappeler dans sa préface tout ce qu’il doit à la lecture qu’il a faite de Freud pendant son adolescence. Il explique d’ailleurs que sa première intention ,quand il a commencé à s’intéresser à la critique de la théorie freudienne, était de mieux la connaître pour mieux la combattre, jusqu’à ce qu’il se rende compte que cette critique était dans le vrai. Il n’était donc pas question à l’origine d’une entreprise de démolition, mais plutôt d’enlever le vernis, chercher à décaper les couches de mythe, de légende, à nous restituer la vie d’un homme et de son œuvre sans le traitement à la feuille d’or qui caractérise toutes les biographies officielles.

Mais Onfray, en vrai philosophe qu’il est, plutôt que de plier les faits à ses préjugés, s’est converti aux faits. La thèse d’Onfray tient en une phrase : « La psychanalyse est une discipline vraie et juste tant qu’elle concerne Freud et personne d’autre. », ce qui peut encore s’énoncer de la manière suivante : « Faut pas prendre son cas pour une généralité. ». Il va articuler sa réflexion autour de cinq thèses :
• La psychanalyse dénie la philosophie, mais elle est elle-même une philosophie.
• La psychanalyse ne relève pas de la science, mais d’une autobiographie personnelle.
• La psychanalyse n’est pas un continuum scientifique, mais un capharnaüm existentiel.
• La technique psychanalytique relève de la pensée magique.
• La psychanalyse n’est pas libérale, mais conservatrice.

Ce qui m’a le plus intéressé dans ce travail, c’est le démontage de l’entreprise d’autopromotion de Freud. On découvre derrière l’image convenue du vieux sage viennois un arriviste mégalomane, qui met au moins autant d’énergie à son entreprise d’autoglorification qu’à son travail de recherche. On découvre un Freud précurseur surtout dans le domaine du marketing, inaugurant le monde de la marque et du logo qu’on connaît aujourd’hui. Freud recycle plus qu’il n’invente, conceptualisant sur un modèle scientiste des intuitions largement développées avant lui par Nietzsche. On s’amuse beaucoup à certaines pages, quand Onfray raconte la manière dont Freud et ses apôtres accusent Nietzsche de plagiat par anticipation.

Onfray clôt son essai par ces paroles de Derrida : « Je me trompe peut-être, mais le ça, le moi, le surmoi, le moi idéal, l’idéal du moi, le processus secondaire et le processus primaire du refoulement, etc. – en un mot les grandes machines freudiennes (y compris le concept et le mot d’inconscient !) – ne sont à mes yeux que des armes provisoires, voire des outils rhétoriques bricolés contre une philosophie de la conscience, de l’intentionnalité transparente et pleinement responsable. »
En résumé, Freud n’est pas Darwin, ou Copernic, mais plutôt un plagiaire génial de Nietzsche.

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