samedi 26 juin 2010

La douceur des forts.

Il faut avoir vu l’homme politique qui passe pour le plus entier, le plus intransigeant, le plus inapprochable depuis qu’il est au pouvoir; il faut l’avoir vu au temps de sa disgrâce, mendier timidement, avec un sourire brillant d’amoureux, le salut hautain d’un journaliste quelconque; il faut avoir vu le redressement de Cottard (que ses nouveaux malades prenaient pour une barre de fer), et savoir de quels dépits amoureux, de quels échecs de snobisme étaient faits l’apparente hauteur, l’anti-snobisme universellement admis de la princesse Sherbatoff, pour comprendre que dans l’humanité la règle - qui comporte des exceptions naturellement - est que les durs sont des faibles dont on n’a pas voulu, et que les forts, se souciant peu qu’on veuille ou non d’eux, ont seuls cette douceur que le vulgaire prend pour de la faiblesse.

Sodome et Gomorrhe, Marcel Proust.

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