mercredi 26 mai 2010

Oméga mineur, Paul Verhaeghen.

Paul Verhaeghen déroule dans ce roman dense le destin de trois personnages centraux : Jozef de Heer, rescapé de l’anéantissement des juifs d’Europe, Goldfarb, prix Nobel de physique, et Paul Andermans, jeune chercheur en sciences cognitives. Ce qui les lie ? Il me faudrait trois pages entières pour dénouer l’intrigue, tant ce roman est foisonnant de ces multiples histoires enchevêtrées.
Vous êtes prévenus, attention à la tempête: il s’agit d’un livre au souffle exceptionnel, un cyclone narratif qui emporte tout sur son passage. Verhaeghen fait virevolter l’histoire du vingtième siècle avec une facilité déconcertante qui force l’admiration.
Cette virtuosité dans la construction romanesque est de plus au service d’une réflexion ambitieuse et profonde sur les grandes questions qui nous hantent, celle du bien et du mal, de l’amour et de la haine, de la mémoire et de l’oubli, je n’en finirais pas d’en dresser l’inventaire. On est partagés pendant ces sept cents pages entre deux attitudes contradictoires, une lecture compulsive et hâtive tendue vers les multiples dénouements, et une lecture méditative et gourmande dans laquelle nous plongent les nombreuses perspectives ouvertes. Jamais ces changements de registre ne paraissent artificiels, on ne décèle aucune couture. On a déjà connu des philosophes qui s’essayaient au roman : il en reste souvent une fadeur, un arrière goût d’inachevé, une impression de personnages désincarnés au service d’une machinerie conceptuelle. Dans « Oméga mineur », on est conviés à un festin d’intelligence et d’émotion, sans que jamais l’une ne prenne le pas sur l’autre.
Surtout, n’écoutez pas les tristes critiques qui évoquent un livre difficile à lire, quelle bêtise. Il peut se lire à plusieurs niveaux, ce qui en fait toute sa richesse. On peut évoquer « Le nom de la rose », polar, mais aussi roman historique, essai philosophique, et j’en passe. « Oméga mineur » est de cette trempe, un roman total, qui ouvre la réflexion dans toutes les directions possibles sans jamais sacrifier le plaisir de la lecture.
Verhaeghen est parvenu à la fusion parfaite entre deux univers souvent antagonistes, la littérature d’évasion et celle de réflexion. Il sera difficile de le déloger en tête de mon hit parade des livres de l’année.

2 commentaires:

keisha a dit…

Enfin un brave qui parle d'Omega mineur! Les autres ont-ils peur? Ils se privent de bien des bonheurs... A lire absolument.

Arnivi a dit…

C'est vrai qu'il faut une légère dose d'inconscience et de bravitude pour oser affronter ce monstre, mais quel bonheur.