dimanche 14 mars 2010

La Bataille, Patrick Rambaud.

La bataille d’Essling n’est pas la plus connue des batailles napoléoniennes. Pourtant, au dire des historiens, elle marque un tournant : pour la première fois, même si on ne peut pas encore parler de défaite, l’armée napoléonienne dut se replier sur ses positions.
C’est cette bataille que Patrick Rambaud a choisi de nous raconter, reprenant à son compte un projet avorté de Balzac. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a rempli le cahier des charges que son illustre prédécesseur avait dressé :
« Il faut que dans un fauteuil, un homme froid voie la campagne, les accidents de terrain, les masses d’hommes, les événements stratégiques, le Danube, les ponts […]. Vous devez avoir tout vu intuitivement et vous rappeler la bataille comme si vous y aviez assisté. »

Mais Rambaud ne se contente pas de nous faire sentir l’odeur de la poudre et du sang. Il a choisi également de nous montrer les grands personnages qui ont pris part, de près ou de loin à cette boucherie. Entre autres stars de l’époque, Napoléon et Stendhal : ces noms ne peuvent être évoqués sans charrier derrière eux les poncifs qui alimentent l’imaginaire collectif. Ils sont devenus des icones, des légendes plus vraies que la vérité. Rambaud leur redonne une dimension humaine. C’est inhabituel de décrire un Napoléon ventripotent engueulant son marmiton parce qu’il a trop chauffé sa soupe aux macaronis ; ou encore incapable de se hisser sur un promontoire pour superviser le champ de bataille, et déléguant cette responsabilité à un colonel en meilleure forme physique.
Le Henry Beyle d’avant Stendhal est lui aussi inattendu, saisi dans sa période d’incubation. Spectateur plus qu’acteur, il est une sorte d’agent d’intendance. Aux jeux de la guerre comme à ceux de l’amour, il est décrit comme un personnage falot. Il est très loin des personnages principaux de ses romans.

Rambaud nous distille sa leçon d’histoire avec son brio habituel, fait d’érudition, de verve, et d’humour. A lire, malgré le prix Goncourt : l’exception qui confirme la règle.

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