samedi 18 juillet 2009

Boue, Guillermo Fadanelli.



Benito Torrentana, un ventripotent quinquagénaire, croise le chemin d'une bombe de vingt ans, Eduarda. Il est professeur de philosophie, tendance Schopenhauer, elle est meurtrière, tendance Gaston Lagaffe. C'est une communauté d'intérêt, un marché de dupes qui unit ce couple impossible: Eduarda trouve en Benito un soutien logistique pour échapper à la police mexicaine, et ce dernier voit en la belle un moyen commode de satisfaire son unique érection journalière. Du sécuritaire contre de l'orgasmique, un refuge pour une petite chose fragile dans les deux cas.

Le propos du roman est souvent très noir. L'atmosphère en est glauque et pesante, on sent cette odeur rance, un peu surette, qui fait le charme des maisons de retraite. Le discours pourrait être pompeux, empreint d'esprit de sérieux, triste et intelligent comme une page de Cioran. Heureusement, on échappe à la bêtise, au pipi de chat grâce à la distance complice que Faranelli entretient avec son lecteur: « Mais je crois que vous devez être fatigués de m'entendre dire combien j'aime cette catin. Je ne vous le reproche pas, chacun veut raconter ses propres amours, pas écouter l'épopée d'une passion qui n'est importante que pour celui qui la vit. Il faut vraiment être pervers pour s'intéresser aux histoires des autres. »

L'histoire est racontée par Benito. C'est un professeur de philosophie philosophe. L'auteur rend plausible cette contradiction en faisant de Benito Torrentana un passionné de littérature. Ses références sont à chercher du côté de Dostoïevski plutôt que du côté de Hegel. Il a besoin de confronter sa représentation du monde au monde réel: «Je croyais qu'un tel vagabondage pourrait donner de la solidité à mes idées sur le monde. J'avais l'habitude d'emmener les concepts se promener un peu pour les guérir de la peur de l'aventure, j'aimais les couvrir de boue pour les rendre plus humains, enfin ... ».

Comme on l'aura compris, c'est un roman philosophique. Mais de la veine de ceux qui fâchent les métaphysiciens. L'auteur préfère jouer du verbe que du verbeux: il nous propose le voyage au bout de la nuit d'un homme sans qualité.
Une réussite.