dimanche 17 septembre 2006

Blacksad


Une des meilleures BD que je connaisse.
L'idée semblerait banale: traiter l'univers du polar américain des années 50 à travers le prisme animalier d'un Disney. Pourtant, chose incroyable, on y croit. Le réalisme prend le pas sur la fantasmagorie. Le genre éculé jusqu'au filtre du mégot, dont le dernier avatar réussi était pour moi la trilogie d'Ellroy, ressort tel un nouveau né du bain de jouvence dans lequel l'a baigné Guarnido. Il réussit à recycler le cliché: on n'est pas géné de reconnaître au premier coup d'oeuil le bon, la brute et les méchants, l'histoire stéréotypée n'est pas un frein au plaisir de la lecture.
Le chat-marlowe est un vrai dur, pas une guimauve, le garde du corps est un gorille, le policier est un chien, le fouineur est une fouine, le dessinateur un virtuose.
Ce qui rend l'auteur encore plus sympathique, c'est son refus de participer à la marchandisation de sa création: pas d'objets dérivés, alors que la BD a été un énorme succés à sa parution. Bravo l'artiste, pour le coup qu'on en tient un vrai, un pur, pourvu que ça dure.

vendredi 15 septembre 2006

Avertissement aux écoliers et lycéens, Raoul Vaneigem


L'école est le révélateur de la domination d'une conception de la société destructrice pour les rapports humains, la recherche mortifère de la rentabilité au détriment de l'épanouissement par la création. Telle est la thése de l'auteur, et sa démonstration allie l'art des formules qui font mouche à la qualité de la concision. C'est une lecture stimulante, qui n'a rien perdu de son actualité dix ans après sa parution.
"Comment peut-il y avoir connaissance où il y a opression?". Et on remonte aux causes de cette opression, dont les premières victimes sont les élèves condamnés à manger la soupe fadasse, que les plus serviles vomissent en offrande au profévaluateur.
Sans oublier les enseignants eux-mêmes, condamnés à régner par ruse ou par force dans l'anonymat des classes bourrées jusqu'à la gueule.

vendredi 8 septembre 2006

Explosions atomiques, création somatique.


Considérons la vie comme le surgissement improbable d'une paire d'accolades entre deux néants. D'abord, la rencontre impossible de deux gamétes, agents de fusion agrégeant une nuée d'atomes égarés dans l'espace infini, faisant naître au monde une conscience de lui-même, puis d'elle-même.
Remplissons cet espace d'antinéant, gavons nos sens de sens, le plaisir n'est pas une mauvaise herbe à bannir d'un champ des vertus, c'est une fleur fragile à protéger dans son jardin. La lutte de Mars contre Vénus, Eros combattant Thanatos, le mouvement est partout, branloir perenne hésitant entre deux pôles, pesons de toutes nos forces sur un plateau de la balance.
Naufragé, je connais le plaisir d'être au rivage, le bonheur de vivre plutôt que de survivre, l'instant parfait d'une vie sereine.

samedi 2 septembre 2006

Le tribunal à perpétuité


L'homme est un juge pour l'homme. Quitter l'enfance, c'est devenir juge et accusé en permanence. Il est possible de refuser le rôle de juge, il est impossible de quitter celui de suspect.
Jamais d'acquittement au bénéfice du doute, mais des peines sans cesse infligées, non pas en vertu d'une mauvaise action éventuelle, mais plutôt en raison d'un état de vulnérabilité. La sévérité de la condamnation est à la mesure de l'étroitesse d'esprit de celui qui la prononce. Le juge, le président de la république du on, le pigiste à la gazette de l'opinion, c'est ton voisin de palier, ton collégue, ta belle soeur.
Montre leur les dents, ils te relaxeront. Exhibe tes faiblesse, ils te lyncheront.
Tu voudrais être autre chose que ce que les autres pensent de toi, mais tu n'existes que par leur jugement.