jeudi 29 mai 2008

La méthode, Marcelo Pineyro.

Jusqu'où iriez-vous pour décrocher un poste?

Sept candidats, deux femmes et cinq hommes, sont réunis dans une salle, pour être embauchés par une multinationale à un poste de cadre supérieur. On comprend rapidement que cette méthode de sélection (méthode Grönholm) consiste en leur élimination successive les uns par les autres, jusqu'au dernier en lice qui sera recruté.

On retrouve l'atmosphère étouffante de "Douze Hommes en colère", de Lumet. Ce huit clos est l'occasion de mettre en scène la violence des rapports humains, quand la soumission à l'autorité qui embauche l'emporte sur la morale individuelle . Excepté au tout début du film, aucun des participants à l'entretien d'embauche ne remet plus en cause par la suite la méthode de sélection, qui les conduit pourtant à s'éliminer les uns les autres pour les plus mauvaises raisons.

C'est une fable réussie autour des "qualités" nécessaires à la survie en milieu capitaliste.

mercredi 28 mai 2008

Violette (5)

"_ Non, non, non, non, nous restons cachés, comme l'humble violette."

A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Marcel Proust.

dimanche 25 mai 2008

Violette (4)

Une grande cocotte, comme elle avait été [Odette Swann], vit beaucoup pour ses amants, c'est à dire chez elle, ce qui peut la conduire à vivre pour elle. Les choses que chez une honnête femme on voit et qui certes peuvent lui paraître, à elle aussi, avoir de l'importance, sont celles, en tout cas, qui pour la cocotte ne ont le plus. Le point culminant de sa journée est non pas celui où elle s'habille pour le monde, mais où elle se déshabille pour un homme. Il lui faut être aussi élégante en robe de chambre, en chemise de nuit, qu'en toilette de ville. D'autres femmes montrent leurs bijoux, elle, elle vit dans l'intimité de ses perles. Ce genre d'existence impose l'obligation, et finit par donner le goût d'un luxe secret, c'est-à-dire bien près d'être désintéressé. Mme Swann l'étendait aux fleurs. Il y avait toujours près de son fauteuil une immense coupe de cristal remplie entièrement de violettes de Parme ou de marguerites effeuillées dans l'eau, et qui semblait témoigner aux yeux de l'arrivant de quelque occupation préférée et interrompue, comme eût été la tasse de thé que Mme Swann eût bue seule, pour son plaisir; d'une occupation plus intime et plus mystérieuse, si bien qu'on avait envie de s'excuser en voyant les fleurs étalées là, comme on l'eût fait de regarder le titre du volume encore ouvert qui eût révélé la lecture récente, donc peut-être la pensée actuelle d'Odette. Et plus que le livre, les fleurs vivaient; on était gêné si on entrait faire une visite à Mme Swann de s'apercevoir qu'elle n'était pas seule, ou, si on rentrait avec elle, de ne pas trouver le salon vide, tant y tenaient une place énigmatique et se rapportant à des heures de la vie de la maîtresse de maison qu'on ne connaissait pas, ces fleurs qui n'avaient pas été préparées pour les visiteurs d'Odette mais comme oubliées là par elle, avaient eu et auraient avec elle des entretiens particuliers qu'on avait peur de déranger et dont on essayait en vain de lire le secret, en fixant des yeux la couleur délavée, liquide, mauve et dissolue des violettes de Parme.

A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Marcel Proust.

jeudi 22 mai 2008

Violette (3)

"Lorsque Marcel dit que le nom de Parme lui apparaissait "compact, lisse, mauve et doux", il est bien évident qu'au moins la notation de couleur a plus à faire avec les violettes de la ville qu'avec la sonorité du nom, et cette évidence est confirmée quelques lignes plus bas: "je l'imaginais seulement (la demeure parmesane où il rêve d'habiter quelques jours) à l'aide de cette syllabe lourde du nom de Parme, où ne circule aucun air, et de tout ce que je lui avais fait absorber de douceur stendhalienne et du reflet des violettes". L'analyse sémantique nous est donc offerte ici par Proust lui-même, qui affecte clairement les qualités de compact et sans doute de lisse à l'influence du nom, la couleur mauve à la connaissance par ouï-dire des violettes, et la douceur au souvenir de la Chartreuse: le signifiant agit bien sur le signifié pour faire imaginer à Marcel une ville où tout est lisse et compact, mais le signifié agit tout autant sur le signifiant pour lui faire percevoir le "nom" de cette ville comme mauve et doux."

Figures II, Gérard Genette.

Sur les épaules des géants (1)

"_ Tom, a décrété Paulo, c'est un prénom de héros.
_ Ah bon? s'est étonné l'homme. C'est pourtant banal. Je me demande ce qui a pu te donner cette idée.
_ Eh bien, a répondu Paulo en haussant les épaules comme s'il s'agissait d'une évidence, c'est Tom Joad.
_ Tom qui? a fait Nadège en fronçant les sourcils. Je connaissais Ton Cruise, mais là, je vois pas.
_ Moi non plus, a souri l'homme. C'est un personnage de manga? Un jeu vidéo? Un basketteur?
_ Ben non, a murmuré Paulo d'un air gêné. C'est le héros des Raisins de la colère.
L'homme a sursauté.
_ Les raisins de la colère, mais quel âge as-tu donc, Paulo? Onze ans, douze ans? Et tu lis Steinbeck?
J'ai senti mes poumons se gonfler de fierté. Eh oui, il lit, mon Paulo. Steinbeck, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Romain Gary et un tas d'autres dont j'ai oublié le nom. Tous les soirs, y compris après l'extinction des feux. Il fait semblant de croire que je n'ai pas remarqué la lueur de la lampe de poche sous les draps et moi je fais semblant de croire qu'il dort paisiblement."

Providence, Valérie Tong Cuong.

mercredi 21 mai 2008

Violette (2)

"_ Pour vous, monsieur, ce sera?
_ Un macaron à la violette.
La jeune vendeuse m'a remis mon trophée.
_Et pour madame?
Derrière moi, une femme en tailleur, cheveux tirés en chignon, collier de brillants, traits mûrs, souriait de gourmandise.
_ Violette, quelle bonne idée: je n'y aurais jamais pensé.
_ Je regrette, ce monsieur a pris le dernier.
_ Ah, à soupiré la femme, pour une fois que je me lançais ...
Je lui ai tendu le macaron.
_ La violette convient mieux à une dame. Je prendrai un opéra, mademoiselle."

Providence, Valérie Tong Cuong.

samedi 10 mai 2008

Violette (1)

"je restais seul en compagnie d'orchidées, de roses et de violettes - qui pareilles à des personnes qui attendent à côté de vous mais ne vous connaissent pas - gardaient un silence que leur individualité de choses vivantes rendait plus impressionnant et recevaient frileusement la chaleur d'un feu incandescent de charbon, précieusement posé derrière une vitrine de cristal, dans une cuve de marbre blanc où il faisait écrouler de temps à autre ses dangereux rubis."

A l'ombre des jeunes filles en fleur, Marcel Proust.